Fabrice Frossard   

1 janvier 1997

 

     (1) Ainsi va le Jazz, nourri d'échanges, s'enrichissant des multiples influences qui le traversent. Le monde actuel est un monde de communication, et tous les arts d'aujourd'hui le prouvent, le Jazz à fortiori. Il ne s'agit plus de savoir jouer le Funk & la Polka, la musique africaine & le Bebop, tous ces styles nous façonnent d'une manière ou d'une autre. Il s'agit de se forger une identité à partir de ce multiple qui sans cela resterait confus & indistinct. Même si je peux sonner très rock parfois, même si je peux devenir très zen d'autres fois, je me revendique comme musicien de Jazz car c'est ainsi que je conçois cette musique : forte par la liberté qu'elle offre et par la singularité qu'elle demande, ouverte par cette science de l'échange qui la fonde.


     (2) A chaque étape du projet "Tales from Viet-Nam" je m'aperçois à quel point je ne suis pas vietnamien, & en même temps je deviens de plus en plus vietnamien. Plus je m'immerge dans la tradition, plus j'apprends tout ce que je peux de cette culture, plus j'éprouve la vérité que je ne pourrai jamais "sonner" ni penser comme les vietnamiens nés au pays. Là intervient le rôle de l'artiste : transformer en beauté ce manque, & ainsi ouvrir ces aspects finis, déterminés de ta personnalité. Ces confrontations aux autres cultures sont autant de leçons d'humilité que de promesses d'accomplissement.


  1. (3)En fait l'idéal serait d'atteindre le même contrôle de la technologie que celui de l'instrument : devenir des virtuoses de la technologie. Et comme les vrais virtuoses, oublier tout ce que l'on a appris, gammes ou modes d'emploi, et se lancer dans l'immédiateté du jeu, l'ivresse de l'improvisation. Une fois maîtrisé, l'instrument (ordinateur ou guitare) n'est plus qu'un media invisible entre la pensée créatrice & son expression (image, son, etc...). Aujourd'hui je me sers de mon ordinateur pour communiquer (texte, fax, e-mail) & pour composer & réaliser des maquettes de plus en plus simples, avec toujours le souci d'imaginer comment chaque partie sera jouée par les musiciens. Le Direct to Disk m'a été très profitable pour "Tales" : j'ai pu enregistrer à la maison des instruments traditionnels, des parties de guitare ou de sax définitives, du chant témoin autour duquel j'ai construit les arrangements, et corriger aussi certaines prises de studio.


Propos recueillis par Fabrice Frossard en janvier 1997

 
 
 
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